ODD 1

Jordanie : renforcer l’inclusion sociale par les OSC

INTERVIEW La protection sociale est un volet clé de la lutte contre la pauvreté. En Jordanie, Expertise France appuie les organisations de la société civile dans la fourniture de services sociaux depuis 2018.


Avec MARIE KEIRLE,
cheffe de projet pour le programme européen d’appui à la protection sociale en Jordanie

Comment mieux intégrer les OSC dans la stratégie nationale de protection sociale en Jordanie ?

Le premier enjeu est celui de la confiance : c’est l’ingrédient indispensable pour bâtir des partenariats durables entre les autorités publiques et la société civile. On entend souvent les fonctionnaires reprocher un manque de rigueur aux représentants des OSC tandis que ces dernières se plaignent d’un excès de bureaucratie et d’une vision réductrice de leur rôle.

Par ailleurs, le cadre juridique applicable aux OSC a besoin d’être modernisé. Ce point fait largement consensus : il est nécessaire de simplifier les procédures mais aussi de tenir compte de l’émergence de nouveaux acteurs, notamment dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Le processus de réforme est complexe, pour de nombreuses raisons. Il suppose notamment de s’entendre sur une définition des OSC au-delà d’une dimension strictement caritative et sur une approche multisectorielle de l’inclusion sociale.

L’adoption d’une stratégie nationale de la protection sociale, en 2019, a marqué un net progrès en ce sens, mais le rôle des OSC n’y est pas encore pleinement intégré. Il reste beaucoup à faire pour surmonter la tendance naturelle des administrations à travailler en silo, inclure l’échelon local et reconnaître le rôle de chacun, en toute transparence et redevabilité. Comme le dit le proverbe arabe, « Il faut deux mains pour applaudir. »

En Jordanie, le projet d’appui aux organisations de la société civile contribue à donner plus de visibilité aux acteurs du terrain.

En quoi le programme européen d’appui à la protection sociale en Jordanie permet-il de répondre à ces enjeux ?

Ce programme de subventions vise à promouvoir une approche participative et à créer les conditions d’un partenariat gagnant-gagnant entre les autorités publiques et les OSC. Le ministère jordanien du Développement social a besoin d’être conforté dans son rôle de pilote. Pour cela, il est essentiel de renforcer les capacités de ses agents en matière de suivi-évaluation. Mais les OSC doivent également être renforcées : l’enjeu est qu’elles soient reconnues comme des partenaires incontournables pour la fourniture de services sociaux – par exemple dans le cadre de la désinstitutionnalisation des personnes en situation de handicap –, mais aussi – et c’est plus difficile – comme des acteurs à part entière de la coconstruction des politiques publiques.

Pour créer les conditions d’un dialogue constructif, nous avons œuvré à l’adoption d’une feuille de route. Concrètement, nous contribuons à l’organisation de débats et à la diffusion des recommandations qui en émergent. Nous valorisons aussi la contribution des OSC et aidons le ministère à mettre en place un système d’information pour mesurer leur impact social.

Le programme contribue aussi à donner plus de visibilité aux OSC…

En effet, avec le soutien des autorités publiques, l’idée est également de créer la possibilité pour les OSC de se faire connaître, de montrer ce dont elles sont capables – y compris les petites organisations de terrain, souvent tenues à l’écart des financements étrangers. À partir de nos territoires pilotes, nous nous efforçons de créer les conditions favorables à l’émergence, à l’identification et à la dissémination de bonnes pratiques d’inclusion sociale. Là encore, il s’agit de favoriser les partenariats, l’apprentissage entre pairs, et de capitaliser en tirant le meilleur parti de « ce qui marche ».

Pour mobiliser les jeunes et encourager l’engagement associatif et l’entrepreneuriat social, nous avons par ailleurs lancé des « Défis de l’innovation sociale ». Notre message est partout le même : « L’union fait la force. »

L’enjeu est que les OSC soient reconnues comme des partenaires incontournables des autorités publiques.

Selon vous, quelles sont les prochaines étapes pour améliorer l’accès à des services sociaux de qualité en Jordanie ?

L’idéal serait de continuer à bâtir sur la base du programme en cours. La conduite du changement prend toujours beaucoup de temps, et la confiance ne se décrète pas. Comme nous le répètent nos partenaires jordaniens, la situation n’évoluera pas sans un changement des mentalités, sans une motivation et une responsabilisation de l’ensemble des acteurs de la prochaine stratégie nationale de protection sociale. Pour cela, il est important que le dialogue avec les OSC débouche sur des réalisations tangibles et que la dimension multisectorielle, interministérielle, décentralisée, des politiques d’inclusion sociale soit pleinement reconnue, de même que la participation des bénéficiaires.

Propos recueillis en mai 2022

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Atteindre l’ODD 1

L’objectif de développement durable « Pas de pauvreté » vise notamment à mettre en place des systèmes et mesures de protection sociale pour tous, y compris des socles de protection sociale. En réponse, Expertise France accompagne les pays partenaires dans le développement de systèmes de protection sociale efficaces. L’agence mise pour cela sur l’expérience reconnue du modèle social français.

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