L’Observatoire des agricultures du monde, au service des enjeux agricoles
Avec Marie-Christine Monnier,
experte détachée par Expertise France auprès de l’Observatoire des agricultures du monde
À quels défis font face les exploitants agricoles, partout dans le monde ?
L’agriculture est en position de faiblesse dans les systèmes alimentaires, négligée par les politiques nationales et les consommateurs. Les promesses des grands programmes de modernisation de l’agriculture, pour diminuer l’insécurité alimentaire et la sous-nutrition dans les pays en développement, n’ont pas été tenues.
Il n’existe pas non plus de véritable système de régulation international : les Nations unies offrent un espace de discussions et de négociations autour d’un cadre commun mais elles n’ont pas de pouvoir décisionnel.
Par ailleurs, le phénomène d’accaparement des terres persiste. Certaines puissances négocient des droits d’usage, en dehors de leur territoire national, avec des pays du Sud, à l’instar de la Chine et des pays du Golfe. En agriculture, la préservation du foncier est primordiale. Les outils contraignants manquent pour interdire ces accords entre gouvernements et acteurs économiques privés. Les modèles de production étrangers s’imposent au détriment des systèmes traditionnels d’agriculture et de gestion des ressources naturelles.
Sur le long terme, les exploitants agricoles doivent faire face aux dérèglements climatiques. Les capacités d’action sont limitées mais il est possible d’atténuer les effets en modifiant les pratiques, c’est l’enjeu de l’agroécologie. À ce défi s’ajoute celui de la difficulté à trouver un consensus quant à l’urgence de changer le modèle de l’agriculture intensive. Cette dernière a, depuis des décennies, amoindri les ressources en eau, détruit les sols et affecté durablement la biodiversité.
Comment l’Observatoire des agricultures du monde répond à ces défis ?
L’Observatoire est une initiative portée par la France depuis 2011 et hébergée par l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (ONUAA), en partenariat avec le Fonds international de développement agricole (FIDA) et le Centre de coopération international et de recherche agronomique pour le développement (CIRAD).
Il s’agit de renseigner la diversité des exploitations dans le monde pour contribuer à mieux adapter les politiques publiques et les stratégies d’investissement, et ainsi faire face aux défis dont nous venons de parler. L’Observatoire s’appuie sur la production, l’utilisation et le partage de données, grâce à des partenariats avec les organisations paysannes et les producteurs.
Nous avons ciblé en priorité l’agriculture familiale car elle est omniprésente et indispensable. La majorité de la production alimentaire mondiale en est issue : dans 500 millions de fermes — 90 % du total —, le capital est détenu et le travail exercé par les membres d’une famille. L’activité de l’Observatoire s’inscrit dans la décennie 2019-2028 des Nations unies pour l’agriculture familiale, afin de protéger ces fermes et développer ce type d’agriculture.
Les enquêtes de terrain sont la façon la plus efficace d’accéder aux informations, même si les données ne sont pas toujours accessibles ou de qualité inégale. Par exemple, pour le continent africain en 2021, seul un pays sur cinq disposait de chiffres récents.
Nous allons également publier prochainement le Guide opérationnel de l’Observatoire : cet outil technique propose un cadre méthodologique de travail aux acteurs qui en ont besoin, mais nous voulons également l’utiliser comme support de communication pour mobiliser les décideurs et les financeurs et pouvoir développer d’autres projets.
L’Observatoire est un outil adaptable aux besoins des pays.
Quels sont les intérêts pour les acteurs locaux ?
L’Observatoire est un outil adaptable aux besoins des pays en proposant une connaissance plus accrue de la diversité des exploitations agricoles. Cela peut les aider à développer des stratégies plus efficaces. Les organisations représentatives peuvent aussi, grâce aux données de l’Observatoire, bénéficier d’une meilleure connaissance de leurs membres et ainsi renforcer leurs plaidoyers.
À un niveau plus macro, l’Observatoire gère d’autres programmes plus ambitieux, comme le projet « 50 by 2030 », en partenariat avec la Banque mondiale et le FIDA. Ce dernier doit permettre aux cinquante pays les moins avancés de développer des systèmes d’information sur leur agriculture pour pouvoir renseigner leurs engagements vis-à-vis des Objectifs de développement durable (ODD) de la décennie.
Ce qu’il faut retenir, c’est que l’agriculture est diverse et plurielle : elle fait face à de multiples problématiques et, pour accompagner la transformation souhaitée des systèmes alimentaires vers plus de durabilité et de résilience, il faut adapter les politiques agricoles en tenant compte de la diversité des exploitations. L’amélioration de la qualité des connaissances est un enjeu fort au sein d’une institution qui travaille sur le développement. En tant que coordinatrice de l’Observatoire, ma principale mission est de mettre en œuvre des partenariats et communiquer sur notre outil pour susciter l’intérêt d’autres partenaires, techniques et financiers notamment, qui pourraient le soutenir.
Propos recueillis en mai 2024.
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