L’Initiative : dix ans de lutte contre les pandémies

En 2021, L’Initiative a fêté ses dix ans. Quel bilan faites-vous de cette décennie de lutte contre les pandémies ?

Depuis sa création en 2011, L’Initiative a connu une véritable montée en puissance, à la fois opérationnelle, financière et humaine. Les chiffres sont impressionnants : plus de 600 missions d’expertise déployées, plus de 150 projets financés. Mais au-delà de ce constat, c’est surtout la capacité de L’Initiative à assurer une complémentarité avec le Fonds mondial qui mérite d’être soulignée : elle a permis de renforcer la cohérence des investissements de la France en santé mondiale.

Les projets à visée catalytique de L’Initiative – notamment ceux de l’appel « Populations vulnérables » – permettent d’intervenir auprès des populations clés. Ces projets sont cruciaux dans la lutte contre les pandémies et demandent un savoir-faire et des modalités d’intervention spécifiques, plus difficiles à déployer dans le cadre des subventions du Fonds mondial.

L’efficience de L’Initiative nous est régulièrement rapportée via notre réseau diplomatique – en particulier par nos conseillers régionaux en santé mondiale – mais aussi par nos partenaires pour qui L’Initiative joue un rôle essentiel dans les 40 pays où elle intervient. L’intelligence du terrain et les constats et analyses des experts de L’Initiative apportent un éclairage précieux – que la France a soin de relayer – au conseil d’administration du Fonds mondial, que ce soit concernant la lutte contre la tuberculose, le renforcement des systèmes de santé ou d’autres thématiques transversales (droit à la santé sexuelle et reproductive, égalité de genre, intégration des populations clés dans les instances de gouvernance du Fonds mondial…).

Face à la crise sanitaire, L’Initiative a su accroître rapidement son soutien : 41,7 millions d’euros ont été engagés en 2020, dont 9,5 millions d’euros d’assistance technique. En 2021, 29 missions d’assistance technique ont permis de mobiliser 500 millions d’euros de subventions du Fonds mondial pour la riposte à la Covid-19.

Au-delà des chiffres, L’Initiative a réussi à créer un écosystème riche d’acteurs francophones (experts, chercheurs, agents de santé communautaire…) qui travaillent ensemble pour la santé mondiale.

En dix ans, L’Initiative a permis de déployer plus de 600 missions d’expertise et de financer plus de 150 projets.

Quels sont les grands points forts de L’Initiative ?

Incontestablement, la plus-value de L’Initiative se situe dans sa fine connaissance du terrain, des populations clés et de ses promoteurs les plus actifs : les agents communautaires, partenaires incontournables dans la lutte contre ces pandémies. En soutenant ces acteurs, L’Initiative contribue à mieux les structurer dans leurs actions. Cette collaboration permet également de mesurer l’impact concret des financements du Fonds mondial, auxquels la France contribue massivement. On peut citer l’exemple d’un projet porté au Cambodge, dans le bassin du Mékong, pour lutter contre le paludisme chez les forestiers : l’an passé, seuls 29 cas ont été recensés et aucun mort ! L’Initiative est riche d’exemples de projets de ce type qui visent des populations clés, qu’il faut aller chercher « jusqu’au dernier kilomètre ».

L’Initiative s’assure également de la pérennité des projets qu’elle porte en favorisant leur appropriation par les pays. Autre exemple : face aux fragilités constatées dans certains pays africains, la France a lancé en février 2019 l’Initiative présidentielle pour la santé en Afrique (IPSA). Cette initiative vise à appuyer le Burundi, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, la République centrafricaine et, depuis peu, la République démocratique du Congo dans la mise en œuvre des subventions du Fonds mondial pour accélérer la riposte aux pandémies. L’objectif est de faire le lien entre lutte contre les pandémies et renforcement des systèmes de santé. Placés auprès des autorités nationales – les ministères de la Santé notamment –, des experts techniques de haut niveau apportent un accompagnement sur mesure aux gouvernements dans la programmation et la mise en œuvre décentralisée des subventions du Fonds mondial.

Quels sont, selon vous, les enjeux pour la décennie à venir ?

Il faut bien sûr poursuivre les efforts pour éliminer les pandémies de VIH/sida, de tuberculose et de paludisme. Nous pouvons encore améliorer l’efficience et l’impact des subventions du Fonds mondial. L’Initiative peut continuer d’apporter son appui complémentaire en poursuivant le déploiement d’experts résidentiels auprès des pays et des responsables politiques. Les pays pourront ainsi mieux s’approprier les enjeux de la lutte contre les trois maladies – et ceux du renforcement des systèmes de santé. Car l’un des grands défis des dix années à venir, c’est de renforcer les différents piliers des systèmes pour la santé, y compris les systèmes communautaires. Les ressources humaines en santé – dont on sait qu’elles font cruellement défaut dans beaucoup de pays –, le renforcement des réseaux de laboratoire et plus largement la mobilisation des ressources domestiques sont des questions essentielles. Autant de sujets sur lesquels L’Initiative est disponible pour accompagner les pays en vue de lutter contre les trois grandes pandémies, préparer les crises futures et atteindre la couverture santé universelle.

Propos recueillis en mai 2022