Au Ghana, un centre d’aide aux victimes de la traite des êtres humains
INTERVIEW Grâce au soutien financier de l’UE et de la France, ainsi qu’à un appui opérationnel d’Expertise France, le ministère du Genre, de l’Enfance et de la Protection sociale du Ghana a ouvert de nouveaux locaux pour accueillir des victimes de la traite des êtres humains.
Avec ABENA ANNOBEA ASARE,
responsable du Human Trafficking Secretariat
La traite des êtres humains est un problème majeur dans le golfe de Guinée. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce phénomène et sur ses causes, au Ghana en particulier ?
Au sein du golfe de Guinée, le Ghana est tout à la fois une source, un territoire de passage et une destination pour la traite des êtres humains, même si la législation l’interdit depuis 2005, avec la promulgation de la loi sur la traite des êtres humains (Human Trafficking Act). Ce fléau s’explique principalement par la pauvreté : des personnes quittent le territoire en quête d’une vie meilleure. Compte tenu de la configuration géographique de notre pays, il est plutôt facile d’en franchir les frontières. Un Ghanéen peut ainsi très bien exploiter une ferme dont une partie se trouve en territoire togolais, et être de ce fait amené à traverser la frontière quotidiennement.
Cette forme de traite externe, transfrontalière, concerne principalement des adultes. En règle générale, les femmes tentent de rejoindre des pays du golfe persique pour y travailler comme domestiques, se fiant aux promesses de travail de personnes malintentionnées. Malheureusement, c’est souvent la prostitution qu’elles trouveront au bout du voyage. Quant aux hommes, leur objectif est généralement l’Europe, via le Maroc ou la Libye, puis la mer Méditerranée. En cours de route, ils sont la proie des filières d’immigration clandestine et finissent exploités.
Il existe également une forme interne de traite des êtres humains au Ghana, qui touche principalement les enfants, victimes du travail forcé. Sur les côtes par exemple, certains pêcheurs souhaitent renforcer leur main-d’œuvre sans avoir à embaucher, et choisissent de mettre au travail des enfants qui n’ont même pas 13 ans. Au Ghana, il est interdit de travailler avant 18 ans, sauf dans le cadre d’un apprentissage. Mais la réalité du travail des enfants est tout autre, et les abus sont nombreux.
Les nouveaux locaux du Human Trafficking Secretariat et du Trauma Informed Care Center ont été inaugurés à Accra en avril 2022.
S’agit-il d’un phénomène ancien ? La législation est-elle efficace ?
La traite des êtres humains est un phénomène bien ancré au Ghana. Les pouvoirs publics organisent des campagnes de sensibilisation depuis 2012, pour informer les populations sur ce problème et sur les processus migratoires. Si elle n’a pas permis d’éradiquer la traite des êtres humains – l’immigration clandestine empruntant désormais d’autres itinéraires –, cette action a tout de même eu un impact positif, et les chiffres ont commencé à diminuer. Il existe en outre des accords bilatéraux entre le Ghana et les pays de destination, pour garantir la protection des droits des migrants.
En avril 2022, le ministère du Genre, de l’Enfance et de la Protection sociale a inauguré un bâtiment abritant le Human Trafficking Secretariat et le Trauma Informed Care Center dans le quartier d’Osu, à Accra. Quelle est la vocation de cette structure ?
Nous avons eu la chance de pouvoir mener à bien ce projet avec Expertise France, grâce à des financements accordés par l’UE et la France. Nous voulions améliorer le niveau de prise en charge des victimes de la traite des êtres humains. Le Trauma Informed Care Center apporte conseil, formation et assistance sous différentes formes à toutes les personnes qui ont souffert de cette expérience.
Pour que nos travailleurs sociaux et professionnels de santé puissent proposer le meilleur accompagnement possible, nous devions leur fournir un environnement de travail adapté. Ils travaillaient jusqu’alors au sein du ministère du Genre, de l’Enfance et de la Protection sociale, dans des bureaux partagés avec d’autres départements. Il leur était difficile d’y recevoir des victimes, sans parler des problèmes de confidentialité. La nouvelle structure propose désormais un environnement particulièrement favorable : les victimes peuvent y rencontrer leurs interlocuteurs avec l’administration, bénéficier d’une thérapie, et tout simplement, trouver un lieu sûr, en plus de leur centre d’accueil. Ces locaux permettent à nos agents de remplir leur mission dans de bonnes conditions.
Un an après l’inauguration du bâtiment, quel premier bilan tirez-vous ?
Si l’on considère la finalité initiale et notre intention première, l’objectif est atteint. Je pense que cette expérience nous a également révélé combien il était important d’avoir à disposition des locaux totalement rénovés, et un espace de bureaux bien équipé. Nous avons maintenant tout ce qu’il nous faut, matériel informatique, mobilier, postes de travail… ce qui améliore notre productivité au quotidien. Le centre, pensé comme un « guichet unique », offre un service vraiment efficace.
Envisagez-vous de reproduire ce projet à l’avenir ?
Nous prévoyons d’ouvrir des centres d’assistance de ce type dans d’autres régions. Un chantier de construction est en cours dans la Volta, un autre sur le Grand Accra, plus particulièrement destiné aux enfants. Ce sera une réelle satisfaction que de voir ce projet se perpétuer.
Propos recueillis en mars 2023
À lire aussi