Au Vietnam, se mobiliser pour la jeunesse et la santé publique
INTERVIEW En 2015, Expertise France lance, en partenariat avec le SCDI au Vietnam, le projet de long terme « Saving the Future ». Cette initiative vise à relever un défi majeur de santé publique : freiner la transmission du VIH-sida chez les jeunes, notamment les consommateurs de drogues.
Avec Dr Oanh Thi Hai Khuat,
cofondatrice et directrice exécutive du Centre de soutien aux initiatives de développement communautaire (SCDI), au Vietnam
Dans quel contexte s’insère ce projet ?
Au Vietnam, la consommation de drogue est illégale. Les usagers sont arrêtés,
condamnés à payer une amende et peuvent être envoyés en cure de désintoxication
obligatoire. Cette approche crée une stigmatisation qui empire la situation. Marginalisés, les jeunes et les femmes n’osent pas demander de l’aide ou recourir aux services de santé. En parallèle, la consommation de drogue a évolué chez les jeunes Vietnamiens, passant des drogues injectables (opioïdes) aux stimulants synthétiques comme la méthamphétamine. Les réseaux d’usagers de drogues alertent sur les conséquences : pratiques sexuelles à risque, troubles mentaux, violences. Alors que les autorités souhaitaient encore durcir leurs mesures, SCDI a voulu agir rapidement.

Quel modèle proposez-vous pour aider les usagers de drogue ?
La conception d’un modèle d’intervention communautaire a nécessité beaucoup de temps car nous l’avons construit ex nihilo. Nous l’avons élaboré avec des experts du monde entier, et de France notamment. Nous avons constaté les liens entre santé mentale, consommation de drogues et VIH-sida, et orienté le projet sur plusieurs axes : promotion des rapports sexuels protégés, dépistage du VIH-sida, accompagnement thérapeutique, guérison des traumatismes d’enfance, et conseils en matière de drogue et de santé mentale. L’aspect particulièrement innovant de notre démarche est que les jeunes bénéficiaires deviennent eux-mêmes acteurs dans la création et la mise en œuvre des activités.
Qu’est-ce qui vous semble le plus urgent pour l’avenir ?
Il est nécessaire d’élargir le champ des interventions en matière de santé mentale à d’autres populations clés, notamment à la communauté LGBTQIA+ et aux travailleurs et travailleuses du sexe. Les mesures à mettre en œuvre sont déjà définies et nous pouvons utiliser ces connaissances pour étendre le programme au-delà des seuls usagers de drogue, en nous appuyant sur Saving the Future. Nous voulons partager notre modèle – qui a prouvé son efficacité – avec d’autres pays confrontés à des défis similaires. Grâce au soutien d’Expertise France, via L’Initiative et sur financement du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, nous pouvons leur épargner des années de tâtonnement par la transmission de notre expérience.
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